Ce film a été tournée en 2008. J'avais 20 ans, c'était l'an 2 de la liberté et à force d'intérim j'avais réussi à m'acheter une petite caméra et à mettre 1000€ de côté. Au 21 du mois de janvier, ticket interrail en poche, c'était donc parti pour 50 jours de voyage en solitaire entre Ljubljana, Istanbul, Odessa, Dublin et Lisbonne. L'idée de départ était de profiter de l'instant et, en passant, de filmer quelques clips où des gens parleraient de leur pays aux voyageurs et voyageuses à venir. Une fois rentré chez moi, la suite du plan était de lancer un site internet qui répertorierait toutes les interviews sur une grande carte participative, où n'importe qui pourrait ajouter ses propres vidéos.
Mais au cours du voyage j'ai aussi filmé les villes et les paysages et, en rentrant, j'ai finalement décidé de réaliser un grand reportage. Une décision qui a inauguré ma façon de faire des films : faire confiance au destin, et voir ensuite. Voyager selon les envies, interviewer au hasard des rencontres et, une fois devant mon logiciel de montage, trouver le lien qui permettra de réaliser un film cohérent. Et c'est justement pour rendre au hasard ce qui lui est dû que le titre du film est 21 janvier ; tout simplement parce que je suis parti ce jour là.
Le résultat est une sorte d'anti-thauma, ce style d'écriture antique qui ajoutait du merveilleux pour attiser la curiosité des lecteurs. Si ce vieux principe de com' est repris dans bien des docus modernes, ici, rien de fantastique, de brodé ou d'enjolivé ; le but de ce premier film est de montrer la réalité brute, accessible grâce à un tournage placé sous le patronage Tyché, la déesse du hasard :
Tyché (...). C'est toi qui fais voler sur les ondes les vaisseaux légers ; c'est toi qui présides aux combats sanglants et aux sages délibérations des mortels. Tu te joues de leurs espérances trompeuses : tantôt tu les portes au sommet de la roue [de la fortune], tantôt tu les en précipites. Jamais aucun d'eux n'a reçu des Immortels un présage certain de son avenir : leur esprit, enveloppé de ténèbres, ne peut porter ses regards au-delà du présent. Souvent des malheurs imprévus trompent leur attente et leurs désirs, tandis que d'autres, battus par la tempête, voient le bonheur tout à coup leur sourire, et leur destin changer en un instant.Pindare, in Olympiques
Parce que le panthéon grec permet de belles métaphores, et parce que c'est chic, ce sera donc mon genre cinématographique : des reportages tychéens, où l'absence de préparation permet de tirer le maximum de l'essence d'un lieu et d'un moment. Une méthode aussi idéaliste que pratique, puisqu'elle a l'avantage de ne pas demander beaucoup d'effort d'organisation...
Clément Elbaz, avril 2008 |
Enfin si la voix off a elle aussi été remaniée ce n'est qu'en partie, pour réexprimer d'une manière un peu plus fluide ce que je pensais à l'époque. Comme lorsqu'on donne son avis sur le travail d'autrui, je me suis permis d'apporter quelques corrections à mon ancien moi... en prenant soin de laisser cette touche d'idéalisme un peu tarte de mes 20 ans, que le trentenaire légèrement misanthrope - réaliste ? - que je suis aujourd'hui juge avec une pointe d'envie.
Au final, voici le résultat ! Un reportage qui commence à dater, déjà. Amateur, idéaliste mais réaliste et remastérisé en forme de coiffé-décoiffé cinématographique. Témoignage d'un moment de l'histoire vécu à 20 ans mais portant une ambiance intemporelle, parce qu'il ne fait que décrire ce sentiment océanique qui nous prend à la découverte d'un continent. Car en réalité, si j'ai (re)fait ce film, c'est surtout pour confirmer les envies de celles et ceux de la jeune génération qui, tout juste tombés du nid et qu'importe l'année inscrite sur le calendrier, sont pris par l'envie toute personnelle de voyager.
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